Voilà un peu plus d’un an que j’ai créé mon entreprise. C’est le moment de faire le point sur ce parcours du combattant qu’est la création d’entreprise en France.
Oui, ça pourrait être encore pire, et certaines procédures se sont considérablement simplifiées, c’est vrai. Mais il faut être honnête : il y a encore du travail pour que les informations à disposition soient fiables, à jour et cohérentes, et encore un monde pour que chaque étape soit réellement optimisée, pour ne même pas parler de la dématérialisation des flux.
C’est aussi une question d’état d’esprit. Je cite l’un de mes interlocuteurs pendant ces étapes de création : « Il ne manquerait plus que ce soit facile ! ». C’est vrai, on a signé pour en chier…
Alors, j’ai décidé de partager avec vous quelques moments croustillants de ces épreuves, parfois pathétiques, qui j’espère, aideront aussi les aspirants-créateurs dans leurs démarches : retrouvez chaque semaine un nouvel épisode pendant tout l’été.
Chapitre 1 – Financer son projet
Lors d’une création d’entreprise, l’un des principaux sujets est celui du financement. Quelle que soit la forme juridique retenue, il ne faut pas se leurrer : un apport financier minimum est souvent requis, pas seulement pour régler les formalités de création, mais surtout pour assurer le démarrage de l’activité : matériel, achats, publicité… et salaire ! Vous ne pourrez sûrement pas dégager suffisamment d’argent de votre activité dès les premiers mois pour vous rémunérer, et c’est pourquoi vous aurez besoin d’un fonds de roulement, qu’il faut financer.
Bien sûr, il y a les banques pour ça. Mais financer de l’immatériel n’est pas évident, car les banques n’y trouvent pas les mêmes garanties qu’avec un bel immeuble hypothéqué… Souvent, il va donc falloir trouver des sources de financement complémentaires. Ces dernières vont d’ailleurs aussi constituer des éléments positifs pour le dossier bancaire et fournir un effet de levier.
Les prêts d’honneur
J’ai réalisé 2 dossiers, qui se sont tous les 2 soldés par un échec.
Le premier, avec la Maison de l’Emploi et de l’Entreprise. Après avoir attendu plus de 2 mois pour être reçue après de nombreuses relances, j’ai fini par rencontrer un interlocuteur arrivé avec une heure de retard de son déjeuner, qui avait oublié notre RDV, n’avait absolument pas étudié mon projet, et m’a appris le jour dit que je devais constituer un dossier de 20 pages. Dommage de me le dire seulement maintenant, alors que j’avais pris la peine de lui demander de quels éléments il avait besoin la semaine précédente (il m’avait alors répondu qu’un business plan suffisait). Bref, premier RDV en pure perte. J’ai renvoyé mon dossier dans la foulée, en version électronique et papier et attendu, relancé, attendu, relancé, attendu… Le même personnage m’a clairement demandé d’arrêter de le relancer, puisqu’a priori mon dossier était complet (sic) et que je serai contactée pour une date de passage en commission. Commission qui n’a finalement jamais eu lieu, puisque l’organisme a fermé ses portes quelques mois après et n’a pas été remplacé sur le territoire durant la période à laquelle je cherchais des financements. Je l’ai appris par hasard, durant un événement de la CCI.
Le second dossier était pour l’AFACE, autrement dit France Initiatives. Je n’avais pas sollicité cet organisme initialement, car j’avais identifié que l’un des critères était de créer au minimum 3 emplois sur 3 ans, ce qui n’était pas mon cas. Après avoir croisé des personnes de l’AFACE lors d’un salon professionnel, on m’a incitée à déposer néanmoins un dossier, me disant que c’était une question de présentation et de qualité du dossier. J’ai envoyé le dossier, on m’a reçu et on m’a signifié une fin de non recevoir car je ne créais pas 3 emplois sur 3 ans… Dommage, car cet organisme propose un réel soutien à certaines entreprises, mais mon projet ne répondait définitivement pas aux critères. Encore du temps perdu pour tout le monde.
Mon dossier n’était pas éligible aux autres organismes que j’ai identifié : âge, lieu d’implantation, secteur d’activité, forme juridique… Il y avait toujours quelque chose qui clochait.
Alors comment vous dire ? Les prêts d’honneur, il ne faut pas miser tout son business plan dessus…
Les business angels
J’ai reçu à peu près à la même période, une invitation de mon ancienne école à participer à un concours de pitchs, face à un jury de « business angels ». Autrement dit, des personnes qui ont de l’argent à investir dans des entreprises à fort potentiel.
Je complète le dossier, je l’envoie, mon projet est retenu parmi ceux qui pourront « pitcher ».
Arrivée sur place avec un peu d’avance, j’en profite pour échanger avec d’autres porteurs de projet, la plupart encore étudiants dans l’école en question. Je m’aperçois qu’ils se connaissent tous, ainsi que les membres du jury, constitué d’un professeur de l’école, d’un polémiste économique et d’un jeune start-upper (a priori) connu.
Après 3 heures à attendre mon tour, car tous les étudiants ont une bonne raison de passer avant moi qui n’ait rien d’autre à faire de ma journée, je commence mon pitch après que le jury m’ait annoncé qu’ils n’étaient pas vraiment à cheval sur le temps de présentation étant donné le retard déjà pris : je ne suis donc pas obligée de respecter les 7 minutes initialement définies. OK. Je m’exécute, et au bout de 7 minutes, je me fais couper : en fait si, c’était important de respecter les 7 minutes. Et puis surtout, ils se sont presque endormis : je n’ai pas dansé sur la table, pas diffusé de vidéo, même pas distribué d’échantillon, j’ai juste expliqué mon projet avec le support d’un PowerPoint qui venait appuyer mes propos en images (photos, croquis, esquisse de logo, chiffres clés). Bref, je suis une grosse naze, et en plus je manque vraiment trop d’ambition pour les intéresser : pas de déploiement national prévu en année 1, ni de développement international en année 2. Je ne demande que 20.000€. Bref, je crains. Aurevoir.
A posteriori, c’est vrai, je me suis rendue compte qu’un « petit » projet de coworking rural était clairement hors cible pour des business angels. Dommage tout de même que mon dossier n’ait pas été filtré à la première étape, ça aurait permis à tout le monde de ne pas perdre son temps.
Le crowdfunding
Puisque mon projet était à vocation collaborative, quoi de plus logique que de faire appel à des donateurs privés, en mode collaboratif ?
J’ai lancé une campagne quelques semaines après l’ouverture du lieu pour financer les derniers aménagements. Plus qu’une source de financement, il faut voir le crowdfunding comme un outil de communication qui crée le buzz autour du projet. Certes, j’ai récolté un peu d’argent, mais pour dire vrai, j’ai dû mettre au pot avant la fin de la campagne pour qu’elle aille au bout (une campagne qui n’atteint pas son objectif voit sa jauge retomber à zéro). Il semblerait que je sois loin d’être la seule. Et étant donné que les principales plateformes de crowdfunding prennent une commission de 8%, le gain net se réduit comme peau de chagrin. Mais ne crachons pas dans la soupe, c’était une expérience très enrichissante. Très consommatrice de temps, mais néanmoins à bilan positif.
Enfin, pensez aussi aux subventions, dont j’ai moi-même bénéficié pour financer une partie de mes investissements initiaux.
En conclusion : si vous n’avez pas d’apport personnel significatif (ou de « love money », c’est-à-dire de l’argent de vos proches), ça va être compliqué… Pour autant, dès lors que votre projet a une dimension (vraiment) innovante, tout est possible, et les chiffres peuvent vite s’envoler.
Chapitre 2 – Se connecter à Internet
Evidemment, si vous faites partie des chanceux qui créent leur entreprise dans une zone fibrée, la question ne se pose pas… A vrai dire, il est de plus en plus fréquent que ce soit un critère pour s’installer : « Il y a la fibre ? Non ?? Au revoir… ».
Vive la campagne…
Pour ma part, la question ne se posait pas en ces termes, puisque le département des Yvelines est embourbé depuis plusieurs années (à quelques zones urbaines près) dans un embrouillamini juridico-bureaucratique qui nous privera encore de la fibre pendant un certain temps, malgré des annonces enthousiastes et tonitruantes tous les 6 mois.
L’espace choisi ne disposant même pas d’une ligne téléphonique au moment de notre acquisition, je me suis naturellement tournée vers Orange, puisque l’opérateur historique dispose toujours d’un monopole dans ce domaine. Après une étude technique à plus de 300€, j’ai pu faire raccorder une ligne ADSL depuis l’autre bout du bâtiment (déjà équipé), pour la modique somme de 1000€. Je vous passe la rocambolesque visite d’un technicien, qui débarque comme une fleur avec une Livebox pour la brancher alors que la ligne n’a pas été tirée.
Pourquoi faire simple
ADSL, ADSL2+, SDSL, XDSL, satellite, fibre, Mo, switch, routeur, débit symétrique… Pour se connecter à Internet, il faut commencer par se familiariser avec un charabia carrément déprimant.
Partant de loin (ADSL avec un débit suffisamment faible pour ne pas pouvoir regarder une vidéo sur Youtube), j’ai donc dû trouver des palliatifs. J’ai envisagé toutes les options pour augmenter les performances de débit Internet. J’ai rapidement exclu le satellite, puisque ceux qui avaient testé cette option dans la région m’ont raconté des débits très aléatoires, remis en cause au moindre coup de vent ou durant une journée nuageuse, et on peut dire que notre territoire n’est pas épargné en la matière.
J’ai également interrogé à nouveau Orange, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ne m’ont pas aidée : j’ai obtenu une réponse différente par interlocuteur, qu’il soit question de possibilités techniques ou de prix ; sans compter le nombre d’agents qui ont soi-disant transmis ma demande, mais après quoi je n’ai jamais été rappelée ; les allers-retours entre le service pro et le service entreprises, qui visiblement n’ont rien à voir => je cite une opératrice Orange : « Mais Madame, il faut un chiffre d’affaires minimum, pour accéder aux offres Entreprise… » Ah oui ? Mais je viens de créer mon entreprise… Et ce chiffre d’affaires minimum est de combien ? « Je ne peux pas vous le dire en ces termes, c’est plus compliqué que ça » Je n’en doute pas… ; et enfin, une proposition de connexion SDSL à plus de 400€ d’abonnement mensuel pour un débit encore très insuffisant de 4 Mbits affichés (le schéma joint correspond à notre débit réel aujourd’hui : ADSL + SDSL).
Le bout du tunnel
J’ai fini par faire appel à un « courtier » en opérateurs télécoms, qui a interagi à ma place avec eux et négocié un tarif. Très concrètement, il a obtenu exactement le même abonnement que celui qu’Orange m’avait proposé en direct, toujours chez Orange, mais… pour 130€ par mois (soit un prix divisé par 3).
Cela reste très cher par rapport à la performance proposée, mais je n’avais pas d’autre choix.
Vivement la fibre, donc… Reste à savoir à quel tarif ? Sur Rambouillet Territoires, il semblerait que les entreprises bénéficient d’un abonnement à moins de 100€ mensuels, tandis qu’on parle de 1000€ par mois au bas mot pour les territoires ruraux qui seront déployés… C’est ça, l’égalité des territoires ?
Chapitre 3 – Commander et recevoir du mobilier et de l’équipement
Etape 1 : l’inspiration
Je passe rapidement sur la phase de recherche dudit mobilier et équipement, qui est très sympa à réaliser. De mon côté, j’ai commencé par me créer un carnet d’inspirations dans lequel j’ai compilé toutes les ambiances qui me plaisaient sur des magazines, Pinterest, des lieux visités… J’ai ensuite passé tout ça en revue et regardé quels styles émergaient principalement, puis j’ai fait mon choix sur 2 styles majeurs, que j’ai associé chacun à une zone de l’espace.
Etape 2 : le rapport qualité/prix
J’ai fureté sur le net à la recherche de bons plans pour reconstituer ces ambiances à des prix raisonnables.
J’ai vite identifié quelques enseignes. J’ai juste regretté que le site d’Ikéa soit si mal conçu : on trouve des milliers de choses en magasin, mais sur le site, c’est plus rare…
Etape 3 : la commande
Je me suis déplacée en magasins pour commander. Grand bien m’en a pris, car la plupart des grandes enseignes proposent des remises aux entreprises, il suffit de présenter un K-bis. Pour certaines, la remise est conditionnée au volume d’achats, mais ce dernier est vite atteint pour l’aménagement complet d’un espace de coworking… J’ai aussi eu la bonne surprise qu’un vendeur m’annonce que je devrais encore patienter 2 petites journées avant de commander, car une opération -20% sur tout le magasin allait s’ouvrir… Sympa !
Etape 4 : la livraison – Arghhhhhhh !
C’est là que ça se corse, avec la livraison… D’abord, certaines livraisons sont arrivées en avance, en retard, avec des éléments abîmés ou manquants… Mais la palme revient très largement à Alinéa. En résumé, j’ai passé 3 fois la même commande, pour finalement l’annuler et aller la récupérer moi-même en magasin.
Explications… Dans le cadre d’une commande de plusieurs produits simultanément (ce qui arrive tout de même assez souvent, non ?), le temps que la commande soit traitée par le centre logistique, il arrive (fréquemment) que l’un des produits ne soit plus disponible, totalement ou partiellement. Plutôt que d’envoyer la commande partiellement, ou une alerte au service de suivi des commandes ou au client… Il ne se passe rien, et la commande est bloquée, mais sans que qui que ce soit n’en soit informé. La première fois, j’ai donc attendu, crédule, que la date de livraison soit passée, pour m’inquiéter de sa non-livraison. Grâce à mon appel, Alinéa s’est rendu compte de la mise en attente de ma commande (je parle tout de même d’une commande de plus de 3200€…). Elle l’a relancée, mais pas de chance, un autre produit s’est retrouvé en rupture de stock avant l’expédition… Puis, rebelote une troisième fois !! Ce petit jeu a duré plus de 3 mois. Avant que j’abandonne et aille moi-même récupérer mes produits en magasin (pour ceux qui n’étaient pas en rupture, évidemment…).
Conclusion
Quelque soit votre secteur d’activité, le processus de suivi de commande et de logistique est primordial pour la satisfaction de vos clients. Personnellement, j’ai black-listé plusieurs enseignes après cet aménagement, et je leur fais aussi de la pub.
Chapitre 4 – Gérer le RSI, les cotisations sociales & la mutuelle
Le RSI
Tous les indépendants connaissent le RSI de réputation, avant même d’y avoir eu affaire. Certains choisissent même leur forme juridique en fonction de ça, optant pour le régime de la SASU, qui leur permet d’y échapper ! Un comble, non ?
J’ai été joueuse, et j’ai créé une SARL unipersonnelle, avec rattachement automatique au RSI, donc. Franchement, je m’attendais à pire ; en 1 an, je n’ai eu droit qu’à 2 bourdes. C’est un quota acceptable, non ?
La première : je décide, voyant que tout se passe bien, de passer du paiement par chèque à celui par prélèvement. J’envoie le mandat SEPA, évidemment en amont de la date d’échéance de mon paiement. Sauf que… 2 mois plus tard, je reçois une relance pour non-paiement, incluant une majoration. J’appelle le RSI : c’est normal, le traitement des mandats reçus est plus ou moins long, et là… Il n’a pas été traité avant la date d’échéance, donc forcément, j’ai eu une majoration. Je peux demander une remise gracieuse. Ce que je fais en renvoyant mon chèque de règlement, hors majoration. Sauf que lors du prélèvement suivant, la majoration est prélevée aussi… Il faut que je rappelle…
Deuxième bourde, j’avais reçu un échéancier prévisionnel pour mes cotisations de 2016 fin 2015, mais nécessairement faux, puisque basé sur une rémunération estimée, très supérieure à ma rémunération réelle. Constatant mes déclarations de rémunération réelle sur 2015, le RSI me renvoie début 2016 un nouvel échéancier ajusté, avec des montants bien inférieurs. Sauf que… les prélèvements sont réalisés sur la base de l’échéancier prévisionnel de 2015 ! Heureusement que j’avais un peu de trésorerie sur mon compte, sinon c’est un coup à finir avec des agios à payer. Il faut que je rappelle…
Les cotisations sociales
Côté cotisations sociales aussi, c’est assez rigolo : j’ai reçu juste après la création de mon entreprise un appel de fonds de Malakoff-Médéric, organisme de rattachement obligatoire pour mon activité, pour mes salariés. Que dis-je, un appel de fonds ? Une mise en demeure par lettre recommandée ! Sauf que je n’avais pas de salarié. Mais une somme significative à payer, là encore, estimée. Après les avoir contactés, c’était une erreur informatique. Oups.
La mutuelle pour les indépendants
Là où je peux faire ce que je veux, c’est pour ma mutuelle à moi, travailleur non salarié. J’ai donc décidé de faire un choix radical : ayant des besoins de santé au quotidien assez limités au sein de notre famille, nous avons opté pour une mutuelle qui couvre très bien les frais d’hospitalisation et de longue maladie (on ne sait jamais), mais nous ne sommes remboursés pour rien d’autre. Ainsi, une consultation chez le médecin nous coûte 23€, chez un spécialiste 60€… et une paire de lunettes environ 300€. OK, à l’année, on dépense autour de 1000€ pour nous 3. Sauf qu’en face… au lieu de dépenser autour de 150€ mensuels (pour un remboursement qui reste partiel), elle nous coûte 30€ en tout. Faites le calcul…
Chapitre 5 : Embaucher son premier salarié
Contrat de travail
Il paraît que les modalités d’embauche ont été simplifiées en France. Je n’ose imaginer ce que c’était avant… D’autant que j’ai choisi un format simplifié : le TESE. Kesako ? Il s’agit de l’équivalent du CESU, pour les entreprises. En gros, des chèques emploi-service, réservés à la réalisation de certaines tâches, en l’occurrence du ménage.
Convention collective
L’étape de déclaration unique d’embauche est assez conceptuelle : vous devez savoir quelle médecine du travail, quel organisme de retraite, quel taux d’accident du travail… sont applicables à votre activité. Vous le savez, vous ? Quelle est la convention collective du coworking ? … Bref, j’avoue, j’ai fait plouf, plouf. Et ensuite, j’ai corrigé au fil de l’eau, et de mes échanges avec l’URSSAF, qui n’a pas manqué de revenir vers moi pour obtenir des explications, surtout quand je leur ai dit que je faisais du « coworking », justement. Ca a été rigolo pour estimer le taux d’accident du travail.
Chapitre 6 : Gérer ses salariés
URSSAF
Là encore, je vous passe différentes étapes, par exemple la lettre de radiation reçue par l’URSSAF, mais c’est normal, parce qu’il paraît que le TESE est traité à part.
Aide à la première embauche
Mais je vais m’attarder sur le dossier d’aide à la première embauche, aide à laquelle j’étais éligible suite au recrutement de ma femme de ménage, certes pour 4 heures par semaine, en CDI. J’ai commencé par chercher le dossier sur Internet. Dossier papier que j’ai imprimé, ainsi que tous les justificatifs demandés, et envoyés. Quelques semaines se passent et je reçois le dossier en retour, avec une note indiquant qu’il manque le contrat de travail. Sauf que : qui dit TESE, dit déclaration préalable à l’embauche, mais pas de contrat de travail… Donc ? Je les appelle ! Ma première interlocutrice n’a jamais entendu parler du TESE, elle me passe sa responsable. Qui elle, après m’avoir tout de même fait épeler l’acronyme, me dit avoir compris le problème. Il faut que je lui renvoie le dossier, en indiquant bien qu’il lui est destiné à elle et personne d’autre et pour cela, elle me dit d’apposer « Personnel » sur l’enveloppe. Quelques semaines se passent à nouveau, et je reçois le sésame : la validation de ma pré-inscription au dispositif. Mais pourquoi « pré » ? Et bien parce que maintenant, je dois remplir les mêmes informations sur la plateforme Internet pour laquelle j’ai reçu des codes d’accès. Je remplis, je valide… Et là : « Merci pour votre inscription, vous devez maintenant imprimer l’ensemble du dossier et le renvoyer à l’adresse indiquée ». Ah d’accord, c’est un canular. Non, pas du tout. J’ai arrêté de compter les frais de timbre et le temps passé. Par moi et les services de l’Etat. Finalement, mon dossier a bien été validé. Je touche mensuellement environ 20€ d’aide, qui nécessite, outre les démarches initiales, de compléter chaque mois une déclaration en ligne et d’envoyer les pièces justificatives par courrier. Stop ou encore ??
Mutuelle
Enfin, il y a l’histoire de la mutuelle pour tous. Belle et noble idée. Sauf que pour une TPE comme moi, qui ai, je le rappelle, simplement embauché une femme de ménage 4 heures par semaine, ça tourne au cauchemar. En effet, toute entreprise ayant des salariés doit, depuis janvier 2016, disposer d’un dispositif de mutuelle, pour ses salariés cadres et non cadres. Ma femme de ménage ne souhaitait pas bénéficier de cette mutuelle, puisque son mari en a déjà une, qui couvre l’ensemble des membres de la famille. Cas de dispense autorisé. Sauf que… il faut quand même mettre en place le dispositif, même si aucun salarié n’est intéressé. J’ai donc sollicité une mutuelle, qui m’a établi les 2 conventions, cadres et non cadres. Evidemment, je ne paie aucune cotisation puisqu’aucun salarié n’en bénéficie. Mais chaque trimestre, je reçois encore une déclaration à compléter, pour confirmer que je n’ai toujours aucun bénéficiaire. Belle efficacité pour tous.
Chapitre 7 : Obtenir un agrément de domiciliation
En tant qu’espace de coworking, j’ai des clients qui s’installent à l’année, et qui veulent domicilier le siège de leur société dans mes locaux. Pour que cela soit possible, il faut obtenir un agrément de domiciliation auprès de la Préfecture, en remplissant un certain nombre de conditions.
Encore un petit dossier… Je joins l’ensemble des pièces justificatives, j’envoie et j’attends. A la date de l’ouverture, je n’ai toujours pas de retour. Pas de nouvelles, bonnes nouvelles ? Là, ça ne marche pas comme ça. Je les rappelle, et mon premier interlocuteur me dit qu’il semblerait que le dossier soit complet, mais il ne sait pas pourquoi il n’est pas passé en validation, il se renseigne… Finalement, il me passe son chef : c’est lui qui me dira qu’il ne manquerait plus que ce soit facile d’obtenir un agrément de domiciliation, non mais ! Il me demande de lui envoyer des compléments d’information. Par exemple (après réflexion), oui, il y avait bien les plans du local dans mon envoi précédent, avec les zones légendées, mais il aimerait que les espaces dédiés à la domiciliation soient encadrés en jaune, ce serait quand même plus clair. Idem, il souhaite des photos de l’espace. Non, ce n’est pas demandé dans le dossier sur Internet, mais lui les veut. Finalement, faisant preuve de diligence, j’ai obtenu ma domiciliation dans la foulée.
Depuis, je déclare tous les trimestres la liste des entreprises que je domicilie auprès du Centre des impôts. Je devrai renouveler ma demande d’agrément au bout de 5 ans.
Chapitre 8 : Mener une activité d’organisme de formation
Rien de plus facile que de déclarer son activité d’organisme de formation. Enfin, encore faut-il avoir déniché son premier client ! Et oui, car pour y aspirer, il faut fournir sa première convention de formation. Pas évident sans numéro d’enregistrement… Car la première question que pose un client qui cherche un formateur, c’est : vais-je pouvoir faire prendre en charge cette formation par mon OPCA ?
J’ai réussi à signer ma première convention. J’ai envoyé le dossier. J’ai reçu mon numéro d’enregistrement. Attention, à ne pas confondre avec un numéro d’agrément, car en effet, cette étape ne vaut pas agrément. En résumé, la DIRECCTE, qui octroie ces numéros, ne fait qu’acter de la demande, mais ne valide pas le contenu des formations. Logique, puisqu’on vous demande un extrait de casier judiciaire, mais aucune justification de diplôme ou de compétence attestant de votre qualité de formateur.
Quelques semaines plus tard, j’ai reçu une invitation à une session d’information de la DIRECCTE. Une journée entière à Aubervilliers plus tard, je m’aperçois que les formalités associées à la formation sont extrêmement complexes, et pour certaines, assez étonnantes : si évidemment, il faut une convention de formation et une feuille d’émargement signée par les stagiaires (normal), il faut aussi leur faire signer un règlement intérieur. Bizarre, je ne me souviens pas avoir signé ce type de documents lorsque j’ai été formée en entreprise. Il faut également réaliser une comptabilité spécifique de cette activité de formation au sein des autres activités de l’entreprise. Les revenus, mais aussi les charges. Cela revient à éclater chaque poste : loyer, charges courantes… Pourquoi ? Parce que lors de ses contrôles, la DIRECCTE peut décréter que certaines charges sont excessives et donc requalifier la formation et refuser sa prise en charge. C’est de l’argent public. Pour autant, l’organisme de formation fixe librement ses tarifs : on peut donc pratiquer des prix exorbitants, dès lors qu’on ne met pas de dépenses excessives en face. Enfin, il faut réaliser un rapport pédagogique et financier annuel, avec un éclatement des stagiaires par typologie de client, à des fins statistiques. Encore de la paperasse…
Et sachez qu’en tant qu’organisme de formation, il nous est interdit de rentrer en contact directement avec les OPCA, organismes à qui les entreprises versent les budgets de formation. Il y aurait conflit d’intérêt. Alors comment se faire référencer dans leurs catalogues de formation ? Ce sont les OPCA qui sont censées prendre contact avec nous. Autant vous dire qu’à part si vous vous appelez Acadomia ou si vous connaissez quelqu’un dans une OPCA, vous pouvez toujours attendre… C’est vrai aussi que c’est nettement plus simple de laisser le client se dépêtrer des démarches seul. C’est ce qui arrive à l’un de mes clients actuels, à qui on demande de renvoyer des informations que j’ai déjà fournies par son intermédiaire, mais qui ne semblent pas convenir, sauf que je ne peux pas régler ça directement avec l’OPCA. Question de principe. Et dans l’administration française, on ne revient pas sur un principe.
Chapitre 9 : Tenir sa comptabilité et déposer ses comptes annuels
La comptabilité, j’en ai fait en école de commerce. Débit, crédit, bilan, compte de résultat… Je me suis replongée dans ce monde lorsque j’ai réalisé mon business plan.
Mais c’est une autre paire de manches lorsqu’il s’agit de réaliser toute la saisie comptable de son activité ! Aujourd’hui, je n’ai pas les moyens de payer chaque mois un cabinet pour faire ce travail à ma place. J’ai tout juste de quoi payer un expert-comptable qui certifie mes comptes annuellement.
Alors, j’ai découvert les joies de la comptabilité.
D’abord, le choix du logiciel. Concrètement, on m’a dit : Ciel ou EBP. J’ai testé les deux en ligne, je n’ai pas vu de grosses différences, je les ai trouvés aussi peu ergonomiques l’un que l’autre. Des menus dans tous les sens, aucune aide à la saisie, pas de tableau de bord de suivi analytique… J’ai opté pour EBP, la version devis/facture/compta qui permet de déverser automatiquement les factures en comptabilité. Un gain de temps potentiel.
Sauf que… Le logiciel est plein de bugs. Par exemple, tout d’un coup, les numéros de pièces ne s’incrémentent plus automatiquement. Ou encore, certaines saisies sont refusées parce que le compte n’existe pas (sauf qu’il a un numéro qui fait partie de la liste des choix proposés par le logiciel lui-même). Ou enfin, les factures arrêtent de se déverser en comptabilité. Bref, il faut tout vérifier sans arrêt et il n’y a aucune aide à la saisie. La hotline n’intervient qu’en payant un système de consultation.
Et puis bien sûr, il y a le problème de maîtriser suffisamment le mécanisme comptable pour passer certaines écritures non récurrentes : le versement d’une subvention ? l’achat-revente sans commission ?
Pour finir, les déclarations de TVA se font maintenant assez facilement sur Internet. Tant que vous n’avez pas de demande de remboursement de crédit de TVA à faire. Car dans ce cas, on retombe sur cette fâcheuse tendance de remplir le questionnaire en ligne et de se voir demander des pièces qui n’ont rien à voir ensuite par mail ou par courrier. Notons néanmoins que les contrôleurs de l’antenne de Rambouillet sont agréables et réactifs. Un très bon point !
Après un premier exercice de toute beauté, je clos mes comptes avec mon expert-comptable. Il me renvoie les documents de clôture. Je vais les déposer comme une grande avec mes petites mains au greffe du Tribunal de Commerce. Je fais la queue. La dame à l’accueil renvoie dans leurs buts les 3 personnes qui attendent devant moi, tous pour la même raison : il manque les annexes… Mon tour arrive, même sanction : il manque les annexes… Rentrée au bureau, je rappelle mon expert-comptable : en vertu de la loi machin-chose sur la micro-entreprise, les annexes ne sont pas requises. Bref, je renvoie le tout par courrier. Il s’en est fallu de peu pour que j’y arrive du premier coup. Mais maintenant, je suis prête pour l’année prochaine !
Chapitre 10 : Eviter les arnaques, lutter contre la prospection téléphonique intempestive
Toute inscription au Registre du Commerce et des Sociétés a des conséquences fâcheuses : dans les 2 mois qui suivent, vous recevez pléthore de courriers soi-disant officiels, voire même des mises en demeure, de payer, qui l’inscription à un registre ou annuaire, qui les droits d’enregistrement à je ne sais quel organisme…
Bref, une seule règle : lorsque vous recevez ce type de courrier, si vous n’êtes pas certain à 100% d’avoir à régler cette dépense, consultez notre meilleur ami Google. En général, le moteur vous renverra vers un article ou un blog qui explique l’arnaque. Encore du temps perdu, mais mieux vaut vérifier avant de payer.
L’ouverture d’une ligne téléphonique fixe a à peu près le même effet : au bout de quelques semaines, le temps que la ligne soit répertoriée, vous allez recevoir chaque jour une multitude d’appels pour vous vendre un service en ligne, une cuisine, un système de sécurité… Quand ce ne sont pas des enquêtes. Vous avez beau leur dire que vous n’êtes pas intéressé, que vous travaillez… Il faut juste raccrocher.
Sauf qu’à force d’être sollicité à grande envergure, j’ai fini par répondre à mon téléphone fixe en aboyant, certaine que c’était une énième prospection non désirée. Oups, cette fois c’était un prospect ! Pas bon pour le business. L’un de mes clients a une autre méthode assez sympa : demander à la personne de patienter le temps que vous alliez chercher votre patron… Qui évidemment n’arrive jamais jusqu’au téléphone !
J’ai aussi reçu des messages vocaux enregistrés qui peuvent vraiment prêter à confusion lorsqu’on a le profil ciblé : « Dans le cadre de votre recherche d’emploi, nous avons trouvé une offre qui correspond à votre demande. Merci de rappeler le numéro 08xx… ».
Alors j’ai essayé une solution toute neuve : s’inscrire sur Bloctel. Après une période de mise à jour des bases de données, les appels ont quasiment cessé, c’est très efficace (le premier mois) ! Voilà une belle initiative de l’Etat, pourvu que ça dure et que les parasites ne trouvent pas de solution de contournement trop vite (et si, ça y est…) !
Epilogue
La conséquence la plus dommageable de ces démarches à n’en plus finir, c’est que, loin de démotiver les fraudeurs, qui de toute façon n’ont que ça à faire de falsifier des pièces, de renvoyer de la paperasse, ou de trouver de nouvelles combines, elle décourage les « vrais » entrepreneurs, qui n’ont que peu de temps à consacrer à ces tâches non productives. Alors c’est vrai, quand on décide de créer son entreprise, il faut faire preuve de pugnacité et ces étapes sont une manière de la démontrer.
Mais les créateurs d’entreprise manquent souvent de formation et encore plus de conseils pour s’y retrouver. J’ai fait une école de commerce et un mastère de droit des affaires, et pourtant je suis souvent très démunie face à ces problématiques.
A quand un vrai guichet unique sur Internet qui centralise l’ensemble des procédures, facilite leur traitement et leur contrôle, et permet ainsi une focalisation des agents de l’Etat sur les fraudes ? Je vous le demande ! Sans y croire… Mais hauts les cœurs, 2017 nous réservera peut-être de (bonnes) surprises ?? Ou pas…