Quand notre esprit nous manipule : Voyage au cœur des neurosciences, de la PNL et des sciences cognitives

J’ai envie d’écrire sur ce sujet depuis des mois, voire des années. Sommes-nous les impuissantes victimes d’un vaste complot intérieur, qui ne nous laisse que l’illusion d’un libre arbitre, pendant que des petites bêtes diaboliques tirent les ficelles ?

 

Plutôt que d’être dupé par les autres, le serions-nous avant tout par nous-même ? Pour m’être documentée sur le sujet, la réponse est incontestablement : OUI, si nous manquons de vigilance vis-à-vis de nous-même.

Mais qu’est-ce qu’elle raconte, celle-là, c’est quoi, ce charabia ? Rien à voir avec des visions cosmiques ou spirituelles, au contraire, mes conclusions sont basées sur des considérations on ne peut plus scientifiques. Un tas d’expériences montre que nous nous trompons nous-même, quasiment en donnant notre bénédiction, et ceci pour deux raisons principales : la flemme, et le besoin de cohérence.

La flemme, parce que nous préférons parfois opter pour des opinions toutes faites qui ne demandent pas de nous torturer le cerveau : « Emballé, c’est pesé ! ». Quitte à ne pas avoir bien cerné le sujet et à se voir rapidement pris en défaut face à un interlocuteur qui a plus approfondi le sujet que nous.

Le besoin de cohérence, parce que nous passons notre temps à prendre position sur tel sujet, telle valeur, telle vision du monde… Mais face à nos actes, souvent, notre inconscient se rend compte que nous ne respectons pas toujours nos propres préceptes. C’est alors qu’un mécanisme fabuleux vient à notre rescousse : notre psychisme va chercher une bonne raison pour expliquer cet écart, pour l’intégrer à notre système personnel. En résumé, plutôt que d’admettre et d’assumer un écart de conduite, nous allons le justifier et tordre le modèle, pour que nos actes rentrent dans les cases. C’est notre petit côté mauvaise foi… Sauf qu’à force, notre modèle ne ressemble plus à rien et manque cruellement de cohérence.

Voilà pourquoi nous avons parfois l’impression de faire partie d’une société en perte de repères, ou paradoxalement de plus en plus obscurantiste, car campée sur des positions arbitraires issues d’interprétations religieuses ou moralistes : en effet, il est souvent moins fatigant d’appliquer des règles sorties de nulle part, plutôt que d’appliquer une logique de raisonnement avec rigueur : cela demande de l’analyse, du recul, du discernement… un véritable effort.

Et si, à l’inverse, on se laissait juste un peu tranquille ? Après tout, la vie est un long chemin, jalonné de questionnements, de prises de position, mais aussi de changements de directions, d’incartades, de retours en arrière, et d’apprentissages qui nous font évoluer.

Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis.

 

Et si c’était ça, le précepte fondamental à suivre ? Car certes, nous avons besoin d’une ligne directrice, dont on peut ensuite sereinement s’écarter lorsque le contexte évolue ou que l’on a besoin de vivre autre chose. Un exemple ?

Je discutais avec une coworkeuse, qui travaille beaucoup avec l’univers du bien-être. Un esprit sain, dans un corps sain. Et elle me racontait une interview TV à laquelle invités et journalistes, tous impliqués dans le domaine de la vie au naturel, arrivent, qui avec un sandwich triangle acheté dans une station essence, qui avec un bon Big Mac ! Bah oui, et alors ? Premièrement, ce n’est certainement pas leur régime quotidien, sinon les séquelles seraient visibles à l’œil nu. Deuxièmement, quand bien même ça le serait, on peut envisager qu’une personne ne s’appliquant pas certaines règles de vie puisse néanmoins donner de bons conseils (bon, là, j’avoue, c’est pour la beauté de l’argumentation, mais j’y crois quand même moyennement).

Ah oui, j’ai oublié de vous dire : nous projetons aussi beaucoup trop d’attentes sur notre pauvre petit cerveau, qui fait ce qu’il peut. Pour vous expliquer tout ça, j’ai à nouveau recours à la traduction d’un très bon article (merci Franck !), paru en anglais sur le sujet, que je vous sers donc « as is ».

Your Body is your brain too, Scott Adams, 2 janvier 2017 – Traduction libre

Votre corps est aussi votre esprit

Nous, les humains, nous aimons catégoriser nos perceptions. Ca nous permet de simplifier nos échanges et notre classification des choses. Mais parfois, cette impulsion de mettre chaque chose dans une case devient un problème.

La plupart d’entre nous sont convaincus que nos cerveaux sont spéciaux, parce qu’ils constituent le cœur de notre conscience. Certains pensent que nos cerveaux renferment notre libre arbitre et notre âme. Nous croyons aussi que nos cerveaux sont d’une certaine manière un circuit fermé, qui génère nos pensées. Comme si notre cerveau produisait des pensées aléatoires et s’en débrouillait pour ensuite les convertir en actions incarnées. Le cerveau, ce petit organe spécial, réaliserait donc ses actions de manière isolée, en informant par la suite le reste du corps. En d’autres termes, nous classifions notre cerveau dans la case « cerveau ». Tout seul. Vivant sa vie.

C’est une énorme erreur.

 

Je vais vous expliquer pourquoi ce schéma du « cerveau spécial » comme filtre de compréhension est une des principales sources du malheur sur Terre. Dans ma vision du monde, connue sous le terme de « Moist Robot Hypothesis », littéralement : Hypothèse du robot humide (voir mon livre sur le sujet), les humains sont des « wet robots » conditionnés. Si vous ne faites par l’effort de vous conditionner vous-même, votre environnement ou d’autres que vous le feront. Heureusement, vous avez une interface utilisateur avec votre cerveau. Cette interface, c’est votre corps. Votre corps collecte des données entrantes de toute part, qui nourrissent votre cerveau et le programment.

Quels résultats obtiendriez-vous de votre ordinateur, si l’interface utilisateur répondait uniquement à des données aléatoires de l’environnement, comme le vent, la température, ou d’autres événements non planifiés ? Votre ordinateur serait inutilisable. Les données intégrées seraient elles aussi aléatoires et les données sortantes, sans valeur. C’est pourquoi nous considérons l’interface utilisateur comme une partie intégrante de l’ordinateur.

Votre cerveau est aussi un ordinateur. Mais nous pensons à tort qu’il contient sa propre interface utilisateur. Nous voyons notre cerveau comme une sorte de circuit fermé qui génère ses propres pensées, les traitent et produit des données sortantes qu’il envoie à notre corps. Cette perception de nous-même fonctionne correctement s’il s’agit de rester en vie ou de nous reproduire.

Et c’est tout ce que l’évolution nous demande. Si nous nous reproduisons, nous avons fait ce qui était nécessaire. L’évolution ne cherche pas à améliorer notre perception de la réalité.

Mais permettez-moi une suggestion quant à un nouveau point de vue sur notre cerveau. Mon postulat est que ce nouveau schéma vous donnera les moyens de programmer intentionnellement votre cerveau, plutôt que de laisser votre environnement le faire de manière aléatoire. Tout ce que vous devez faire est de considérer votre corps comme une partie intégrante de votre cerveau. Laissez-moi vous donner quelques exemples pour vous montrer à quel point cette vision est puissante.

Dans votre vision classique du monde, dans laquelle le cerveau contient sa propre interface utilisateur, vous ressentez souvent de la tristesse, de l’irritabilité, de la fatigue, de la colère, ou d’autres émotions négatives. Et vous vous sentez certainement incapable d’y remédier. Votre cerveau conditionne votre humeur (apparemment de son propre chef) et le reste de votre corps réagit simplement à cela, comme une marionnette sur son fil.

C’est la vision globalement partagée, et je constate à quel point elle peut se montrer débilitante. Elle conduit à une angoisse mentale continue, face à laquelle chacun se sent démuni.

Comparez cette vision avec ce que je nomme la Moist Robot Hypothesis, qui émet l’hypothèse que le corps est l’interface utilisateur de votre système cérébral. Et apportez à votre corps les bonnes stimulations pour reprogrammer votre cerveau.

Par exemple, vous savez d’expérience que lorsque vous avez faim, vous devenez désagréable. Mais à moins que vous ne soyez conscient de cette connexion entre corps et esprit (et souvent nous ne le sommes pas), il est facile de considérer que votre esprit crée de lui-même cette mauvaise humeur.

La Moist Robot Hypothesis retient que vous avez juste besoin de manger pour reprogrammer votre cerveau sur des pensées positives. Dans ce cas précis, votre système digestif joue le rôle d’interface utilisateur avec votre cerveau.

Je suis sûr que vous aurez noté que votre état mental est étroitement lié par votre régime alimentaire, votre activité physique, votre sommeil, votre activité sexuelle, votre niveau de stress et encore beaucoup d’autres facteurs. Et je suis certain que vous faites des efforts pour ajuster ces actions quand vous le pouvez. Mais si vous croyez que ces actions influencent simplement votre humeur, et pas vos pensées, alors vous ne cernez pas correctement la nature profonde de l’humain.

Et c’est le point clé à retenir :

L’origine de vos pensées est votre corps, pas votre esprit.

 

Personnellement, quand je ne me sens pas bien, je ne demande pas à mon cerveau de résoudre le problème seul. J’interagis avec mon environnement pour que mes pensées changent. Parce que je sais que mon corps est l’interface avec mon cerveau. Je ne laisse pas mon esprit divaguer seul au hasard. J’oriente mes pensées en ajustant mon environnement.

Par exemple, dès que je me sens tendu, je fais de l’exercice aussi vite que je le peux. C’est bon pour ma santé en général, mais je le fais spécifiquement pour transformer mes pensées négatives en pensées positives. Je fais la même chose avec le sommeil, l’activité sexuelle, le stress, et également mes choix d’activités ludiques. Je ne laisse pas de données négatives pénétrer mon cerveau via mon corps, et mon cerveau répond en ne produisant pas de pensées négatives. Je pousse le concept si loin, que je quitte une pièce lorsque le sujet de conversation abordé est négatif : je ne souhaite pas que mon interface utilisateur envoie ces impulsions à mon cerveau. Je ne m’excuse jamais lorsque j’adopte ce comportement. J’explique juste que je ne souhaite pas intégrer cette conversation à mon esprit, et je pars.

L’ancien moi pensais que mon cerveau était spécial, et qu’il allait penser ce qu’il devait penser. Malheureusement, ce qu’il a pensé durant ma vingtaine et ma trentaine constitue des souvenirs vraiment traumatisants, qui m’ont placé dans un état dépressif voire suicidaire continu. Aujourd’hui, mes pensées sont quasiment toutes positives. La principale différence est que j’ai appris à évincer les pensées négatives en agissant sur mon environnement. Je modèle mon corps avec un mode de vie sain pour qu’il se sente bien, et qui encourage les pensées positives. Et je nourris mon esprit avec des réflexions mentales complexes et passionnantes (souvent professionnelles) pour qu’il ne reste pas de place pour les pensées négatives. Le cerveau aime se concentrer sur une seule chose. Donc je m’assure qu’il se concentre sur ce que je décide. Je ne laisse jamais mon esprit s’aventurer en terrain dangereux. Quand je sens que cela arrive, je change d’activité ou je noie mon esprit avec des pensées plus fortes, qui ont une puissance émotionnelle supérieure.

Mes anciens traumas sont toujours ancrés dans mon esprit, mais je les ai atrophiés au point de les rendre inopérants. Ils n’ont plus aucun pouvoir sur moi.

Je réalise que le concept que j’explique est à la fois évident et radical. D’un côté, vous savez par expérience que vos pensées sont directement influencées par ce que votre corps expérimente. Mais parce que vous pensez malgré tout que votre cerveau est un vaisseau amiral hébergeant votre libre arbitre, votre conscience, votre âme, vous êtes tenté de croire que votre cerveau peut prendre ses propres décisions. Il ne peut pas. C’est un ordinateur qui répond à des stimulations. Donnez-lui les bonnes et vous en obtiendrez les résultats attendus. Et votre corps est l’interface pour ce faire.

Pour vous convaincre de la pertinence de mon schéma, faites l’inventaire des personnes qui partagent votre vie et qui ne sont pas heureuses. Demandez-leur ce qu’elles font pour combattre cet état. Rares sont celles qui vous diront qu’elles travaillent sur leur corps pour apaiser leur esprit.

Maintenant, faites l’inventaire des personnes les plus proches de vous. Estimez à quel point elles travaillent sur leur corps pour contrôler leur esprit. Une fois que vous avez identifié l’hypothèse, vous la rencontrerez partout.

Je viens de changer votre vie. Mais vous ne vous en rendrez compte que plus tard.

 

Lien vers la version originale

 

Voilà ! Ca vous a plu ? Comme d’habitude, je ne partage pas toutes les idées de cet auteur, mais je trouve sa thèse intéressante. Je n’ai pas su traduire « wet robots », éclairez-moi si vous le pouvez.

Et comme d’habitude, je suis preneuse de vos commentaires et de vos retours (maintenant, le blog le permet) !

 

Pour aller plus loin :

Daniel Kahneman, Thinking Fast and slow (existe aussi en version française, sous le titre : Système 1 / Système 2, les deux vitesses de la pensée)

Idriss Aberkane, Libérez votre cerveau